Si nous ne faisons rien, nous n'aurons plus un poisson d'ici 30 ans! (Stephan Beaucher)

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Ces pratiques illégales perdurent jusqu’au milieu du 16eme siècle jusqu’à ce que François 1er s’en émeuve et confirme l’inaliénabilité du domaine de la couronne et enlève aux seigneurs leurs droits de police sur les rivages. Dès lors une lutte qui perdura jusqu’en 1999 s’installa au gré des textes des royaumes, empires ou républiques certains prétendant que ces ouvrages constituaient un danger pour la navigation.

C’est à toutefois à Oléron que cette technique c’est le plus développé, on en comptait encore 237 en 1853,aujourd’hui il n’en reste plus qu’une quinzaine bien vivantes et en fonctionnement grâce au travail d’une centaine de bénévoles opiniâtres regroupée en association.

Actuellement elles fonctionnent sur le régime des concessions attribuées par les affaires maritimes. Ce droit est accordé en contre partie de contraintes comme le paiement d’une redevance, déclarations de pêche et obligation d’entretien. Bien sur les concessionnaires n’ont pas le droit de vendre le peu de poisson qui y est pris de temps en temps.

 Construction et fonctionnement des écluses.

Ces ouvrages se présentent sous la forme d’un fer à cheval d’une longueur de 400 à 800 m (certaines pouvaient atteindre un kilomètre l’extrémité des bras étant sur le point le plus haut de la côte. D’une hauteur d’environ 30 cm sur la grève le mur devient de plus en plus haut et épais pour atteindre 1,50 m à 2,00 m au plus loin, bien sur ce mur doit être parfaitement horizontal.

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©Dessins Jean Marie Chauvet d'Arcizas

Ces murs sont percés de plusieurs ouvertures par lesquelles s’écoule l’eau lors de la marée descendante piégeant ainsi les poissons. A l’origine ces ouvertures étaient fermées par des fagots de bois puis ensuite par des grilles métalliques


grille d'ecluses

Ces murs sont construits avec des pierres sèches récupérées sur place et assemblées sans ciment ni liant ce qui montre le génie de nos anciens pour la réalisation de ces constructions uniques et le courage et la détermination de ceux qui aujourd’hui maintiennent en bon état ces écluses en employant les mêmes techniques qui se sont transmises au fil des siècles.

Les réparations sont effectuées marées après marées par les concessionnaires, en effet si une petite brèche n’est pas réparée rapidement c’est tout l’édifice qui est en péril.

Lors de la création d’une écluse celle-ci est exploitée en parts égales ce qui permet de pêcher tous les 6, 8, 10 ou 12 jours ceci afin que chaque utilisateur puisse pêcher par des coefficients différents sinon cela constituerai une injustice, les rendements n’étant pas les mêmes suivant les coefficients de marée. Une pêche est constituée de deux 

muret d'ecluses

marées une de jour et une de nuit. Elle est dirigée par un chef d’écluse, le plus expérimenté désigné par les autres porteurs de parts qui se charge de payer la redevance aux Affaires Maritimes et de coordonner les travaux de remise en état.

Lorsque les piles électriques n’existaient pas encore pour pêcher la nuit on utilisait des torches en paille, puis le fanal à bougie, arrive ensuite la lampe à acétylène qui évidemment était un grand progrès.

Pourquoi les écluses se sont elles développées sur les iles

Dans les temps anciens, quand les iles n’étaient reliées au continent, la vie était rude pour les habitants qui étaient cultivateurs ou marins pêcheurs et il fallait bien améliorer l’ordinaire et se débrouiller seul. La pêche dans ces écluses pecheur dans l'ecluseétait à l’époque difficile mais produc-tive, raies, bars, congres, mulets, orphies, crabes, étrilles, maigres et même si ce n’était pas toujours la grande pêche cela permettait d’améliorer l’ordinaire et une part dans une bonne écluse valait chère, d’après certains écrits ça valait une ou deux vaches. En cas de forte pêche on appelait les voisins, la famille, les amis pour ramasser le poisson avant que la marée remonte mais la totalité de la pêche revenait au pêcheur, appelé mareyant dans le langage local, sans partage avec les autres détenteurs, c’est une règle intangible.

femmes sur eclusesQuand la pêche était importante se posait le souci de la conservation car à l’époque on n’avait pas de réfrigérateurs. Les seules solutions étaient soit le salage soit le séchage. Pour le séchage on util-isait de grandes perches qui étaient fixées contre les maisons à travers de grosses pierres trouées pour que les poissons attachés en haut soient à l’abri des mouches celles-ci n’allant pas très haut

Pourquoi les écluses ont-elles disparues

Les raisons sont multiples, changement fréquent dans les législations suivant les époques, je rappelle que jusqu’en 1999 la législation prévoyait la destruction de ces écluses en raison de leur supposé danger pour la navigation et que c’est grâce au travail inlassable des associations depuis 1987 que cette législation a pu évoluer et permettre la sauvegarde du peu qui reste au titre du patrimoine de ces iles. Une autre raison est du à l’évolution du mode de vie, les iles sont reliées (hélas) au continent et le besoin vital de nourriture est moins important, et les gens moins courageux.

Mais à mon avis une des principales raisons est la diminution de la ressource en bord de mer ce qui fait que cette activité n’est plus rentable compte tenu du travail énorme nécessaire. J’ai la chance de sortir de temps en temps avec des amis dans les écluses et les bredouilles retentissantes sont quasi permanentes, à part de temps en temps quelques mulets, les prises de bars étant anecdotiques.

Et oui hélas les méfaits de la surpêche qui entraine la diminution de la ressource se font sentir la aussi.

On doit tirer un grand coup de chapeau à tous ceux qui travaillent au maintien de ces ouvrages et de cette tradition ilienne et surtout respecter ce travail en ne marchant pas surtout sur les murets ni déplacer ces pierres ce qui réduirait à néant le travail accompli et bien sur laisser le peu de poissons.

 


pecheurs dans ecluses

Contes et légendes de l’île d’Oléron

Jean des Pierres (Roger Bithonneau)

 

Il y a bien longtemps… au temps ou les lourdes caravelles quittaient nos ports pour tenter d’explorer les océans et découvrir ces pays mystérieux où le soleil disparait chaque soir, les hommes de notre terre eurent l’idée de construire sur l’estran les premières écluses à poissons.

Ils assemblèrent les pierres de la côte pour élever ces murs en forme de fer à cheval. A marée basse la mer s’écoule par des portes grillagées et le poisson reste piégé.

Les premières constructions ne résistèrent pas à l’assaut des vagues. Chaque hiver les tempêtes du large réduisaient à néant le travail de la belle saison. Les hommes de chez nous sont tenaces ; ils recommencèrent leur ouvrage. Les murs de la pêcherie reprenaient forme et à la prochaine tempête ils étaient de nouveau lamentablement démolis.

Or à cette époque vivait dans un village voisin un garçon que l’on disait un peu simplet. Sa principale occupation consistait à garder les deux pauvres vaches de sa mère. Elles se nourrissaient sur le rivage des chiendents et autres herbes sauvages communes en ces lieux. Les bêtes étaient paisibles et Jean, Jean le Simple, comme on l’appelait, passait le plus clair de son temps à observer la mer.

Souvent il abandonnait ses vaches à leur pâture et au bas d’eau descendait à la côte pêcher quelques coquillages.

 

ecluses detruites

Quand les hommes du village étaient occupés à la cons-truction des pêcheries il les observait avec beaucoup d’in-térêt. Comme il était d’un naturel timide il restait un peu à l’écart, mais était toujours très attentif aux techniques d’assemblage des pierres.

Les hommes le regardaient en souriant et attachaient peu d’importance à sa présence. Quand la mer remontait et obligeait les bâtisseurs à quitter leur chantier ils le saluaient d’un mot aimable ou d’une plaisanterie en le croisant sur la falaise.

Jean était assis au pied d’une haie de tamaris et, tout en surveillant d’un œil distrait ses vaches dociles, il observait avec une grande attention les assauts de premières vagues qui attaquaient les murs fraichement construits. Le sens de la lame par rapport au mur lui parut important, la manière dont les pierres étaient disposées lui sembla avoir également une grande incidence sur la solidité.


Les jours ou les hommes ne travaillaient pas à l’écluse il venait regarder de très près l’ouvrage qu’ils avaient accomplis et à force d’observation, il se dit qu’il comprenait peut être la cause des échecs.

Il passait maintenant des marées entières à observer les pierres, leur forme, leur résistance aux chocs. Il les manipulait, les assemblait, leur parlait et au bout de quelques mois une complicité s’établit entre les roches et lui. Il devenait capable de les comprendre. Les pierres lui parlaient.

La nuit, dans les marées de pleine lune, il quittait son lit, chaussait ses sabots et partait à la côte à la rencontre des pierres. Ses pauvres parents s’inquiétaient de cette attitude mais n’osaient pas le contrarier de peur d’attirer un grand malheur. En ce temps là ne disait on pas que les innocents étaient entre les mains de Dieu ?

Les bâtisseurs d’écluses le regardaient maintenant avec un certain intérêt et une espèce de déférence.

Un jour, il vint les rejoindre pour leur parler des pierres. Ils arrêtèrent leur travail et écoutèrent Jean avec attention. Leur entretien dura très longtemps, et ce fut la mer venante qui obligea tout le monde à rejoindre la côte. Les hommes étaient sérieux, leur visage était marqué d’une grande réflexion. Jean leur avait parlé de choses à la fois surprenantes et mystérieuses.

Les femmes avaient compris, à l’attitude de leur époux, qu’il était arrivé quelque chose d’important. Elles ne surent jamais rien des révélations de Jean. Aucun des hommes ne consentit à répéter ce qu’il avait entendu. Ils dirent seulement que Jean connaissait les roches, la mer et les vents mieux que nulle créature vivante et que les pierres lui avaient révélé des secrets que personne ne pouvait imaginer. Ils l’appelèrent désormais Jean des Pierres.

clef de voute eclusesA la maline suivante, quand on décida de reprendre la construction de l’écluse, on fit appel à lui. Les hommes lui appor-taient les pierres qu’il disposait lui-même dans le mur. Il inventa le système de blocage si par-ticulier à ces constructions, cette espèce de clé de voute qui fait que tout est bloqué sans chaux ni ciment. C’est lui qui imagina tous les termes parfois mystérieux que l’on emploie encore de nos jours : pierre trouée corne, boucheau, contre talller, aile, contre aile, tarvelle, chappe, foue et bien d’autres que j’ai oublié.

Les hommes se familiarisaient avec ses expressions et commençaient à construire seuls selon les méthodes de Jean. Mais il surveillait de très près le travail. Si une belle pierre était placé à l’intérieur du mur, comme la chappe qui sert à combler le milieu, alors il la retirait vivement, déclarant que cette roche souffrait de cet emplacement qui ne la mettait pas en valeur et qui a mal pour un mur n’est pas solide et s’écroule.

Les bâtisseurs d’écluses apprirent beaucoup des techniques de Jean. Il fallut bien se rendre à l’évidence : maintenant les murs résistaient aux assauts des vagues et des tempêtes, et l’on y pêchait du poisson. C’était un nouveau revenu et c’était surtout une source de nourriture importante indispensable.

Dans tous les villages des équipes se constituèrent pour réaliser leur écluse, et à chaque fois on faisait appel à Jean. Il avait acquis une notoriété et l’on ne pratiquait plus à son encontre le tutoiement ordinairement employé entre les hommes du village.

- Dites donc Jean nous voulons commencer un mur à la prochaine maline, seriez vous disponible ?

- Oui bien sur, mais ce ne sera pas le bon moment. Dans les jours qui suivront il y aura une tempête d’Ouest et le mur sera trop jeune pour résister aux chocs. Il faudra attendre la maline suivante, les vents seront légers et la mer plus clémente.

- Comment pouvez-vous savoir que dans un mois le temps sera calme ?

- Je connais la mer et les vents aussi bien que ma propre personne, n’ayez aucune crainte.

Et le mois suivant, comme l’avait prédit Jean des Pierres, la mer était calme et l’on pouvait construire avec de grandes chances de réussite les bras des écluses à poissons.

Cela faisait maintenant plus de trente ans que Jean participait à toutes les constructions d’écluses de notre côte. Rien que sur notre commune il y en avait 40.

Jean avait vieilli. Il avait le visage couvert de rides. Son regard était parfois vague et un peu hagard. Quand il était occupé à bâtir une écluse, alors il se trouvait comme dans un état second. Il manipulait les plus grosses pierres avec facilité se jouant de leur poids. Il semblait connaitre le vrai bonheur. La dernière écluse qu’il entreprit, à la demande de six habitants du village de Chassiron l’amena cependant à une grande réflexion et à beaucoup d’hésitation.

Au centre de l’emplacement choisi par les gens du village, il y avait une source d’eau douce, la source des Fontanelles qui est située en mer à environ 50 mètres de la falaise et qui, naturellement, est recouverte à chaque marée haute.

Jean hésita. Il considérait cette source comme un symbole et souhaitait déplacer l’écluse afin de laisser la source à l’extérieur. Les paysans insistèrent pour conserver l’emplacement prévu et le travail commença.

Son intuition de simple ne l’avait pas trompé : ce mur leur causa les pires soucis. Quand les hommes reprenaient le travail à chaque marée, la construction qu’ils avaient effectuée la veille était en partie détruite.

Les marées de nuit, Jean des Pierres, seul, descendait sur le chantier et ne pouvait que constater les dégâts qui ravageaient les murs.

Un matin, alors qu’ils allaient reprendre le travail, Jean était absent de sa maison. Il ne descendit pas à la côte avec les hommes de l’écluse. En arrivant aux murs, ceux-ci ne trouvèrent que des pierres éparpillées. Pourtant il n’y avait ni vent, ni grosse mer. Inquiets, les hommes regardèrent de plus près les roches éparses sur l’estran. En les retournant ils découvrirent les sabots et un peu plus loin la ceinture de flanelle de Jean des Pierrres.

Celui qui avait si bien connu le vent, la mer et les pierres avait disparu en mer comme un marin. On ne retrouva jamais son corps.

On dit qu’il a peut être rejoint, dans le mystère des cités océanes les naufragés de nos pertuis et que son âme bienheureuse préside encore depuis des siècles à la construction des pêcheries à poissons de l’île d’Oléron.


La source des Fontanelles coule toujours doucement sous les falaises de la Morelière. Elle offre son mince filet d’eau douce aux pêcheurs.

Quand mes amis de Chassiron me parlent avec passion et savoir de leur écluse, il me semble qu’ils empruntent la voix de Jean des Pierres….

Ainsi continuent les légendes

l'ecluse du Boyard

L'écluse actuelle du Boyard à St Denis d'Oléron

ecluse de la morelière

L'écluse de la Morelière aujourd'hui

Bibliographie et sources

Site Internet www.cabuzel.com et http://www.membres.multimania.fr/ecluses/

Sur les falaises de Chassiron Roger Bithonneau grand conteur et ancien maire de St Denis d’Oléron Editions Local St Pierre d’Oléron

L’écluse à Poissons racontée aux enfants Jean Michel Massé maire de St Denis d’Oléron.

Editions Local St Pierre d’Oléron

L’Ile d’Oléron images du patrimoine Geneviève Renaud-Romieux et Jean Pierre Roussel

éditions Connaissance et Promotion du Patrimoine de Poitou Charentes

Remerciements

Nicole et Gérard Brulliaud de St Denis d’Oléron pour la consultation et la fourniture de leur magnifique

collection de cartes postales anciennes.

Mr Séguin Association des écluses St Denis d’Oléron

Observatoire de l’Estran Mairie de St Georges d’Oléron

André Dechene Collectif Bar Européen 2011

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